A propos de la forêt des Larrus
(Forêt riveraine de La Neuveville)

Forêt

La Neuveville, sous-bois de la forêt riveraine des Larrus. Joli sentier parcourant tout en en longueur, et parallèlement à la rive du lac, cette forêt âgée d’une bonne centaine d’années. Photo E. Gr, 21.10.2010

Situation

Le nom, Larrus, ne figure pas sur la carte au 1 : 25'000.

Forêt tout en longueur, 300 m, et d’une largeur inégale variant d’une dizaine à une trentaine de mètres au maximum et située en bordure du lac, entre St-Joux (place de sport) et Poudeille.

Carte Bielersee No 1145 entre les coordonnées 575'250 / 213’325 d’une part et 575’375 / 213'500 d’autre part, en contrebas de l’ancien mur de soutènement de la berge du lac (mur composé de moellons imposants, calcaires, très bien conservés datant d’avant 1868, soit avant les travaux de la Correction des eaux du Jura).

Altitude : 430 m (surface du lac : 429 m) ; pente nulle.

La forêt des Larrus est visible, soit du train, soit de la route, à la sortie de La Neuveville en direction de Bienne grâce à une antenne verte.

Un sentier, facile d’accès, parcourt la forêt dans toute sa longueur. De plus, un ruisseau à courant rapide, canalisé, traverse la forêt et se jette dans le lac.

Petit historique

« Cette forêt a poussé de manière spontanée après les travaux de la Correction des eaux du Jura en 1880. Auguste Rollier, son propriétaire, l’a façonnée par la plantation d’arbres de valeur (on n’en connaît pas les essences). Par la suite il l’a entretenue sous forme de parc : on y trouve encore les vestiges d’un minuscule étang. A présent on peut dire que la forêt retourne à l’état naturel.

Les coupes de bois réalisées ces dernières décennies ont éliminé en grande partie les essences étrangères à la station, comme les épicéas. »   (Nicolas Bessire, nov. 2008)

Forêt des Larrus Les Larrus, vue prise en perspective cavalière de la Promenade Auguste-Rollier par François Marolf, le 10.11.08




Relevé botanique (1er avril 1987)

Forêt riveraine

Anciennement propriété de l’Etat de Berne, rachetée entre-temps par la 01.04.1987 Commune de La Neuveville.

Lente évolution vers un équilibre naturel. Forêt composée d’une mosaïque d’associations : Aulnaie à Prêle (Equiseto-Alnetum), Frênaie à Orme (Ulmo-Fraxinetum), voire même à des synusies (plus petite partie d’une association ou mini-association comme le serait la plus petite poupée russe)… Cette multitude de groupements, de l’alliance Alno-Ulmion minoris (forêts de feuillus riveraines) donne une stabilité harmonieuse à la forêt.

Strate des arbres :

Strate des arbres :
25-30 m env. pour les plus grands ; aucune espèce dominante.
Recouvrement : env. 70%

Saule blancSalix alba
(Saule fragile)(Salix fragilis)
(présent au bord du lac à St-Joux, même situation, mais en dehors des Larrus)
Saule marsaultSalix caprea
Peuplier noirPopulus nigra
Peuplier blancPopulus alba
Peuplier d’Italie (planté ?)P. nigra ssp. pyramidalis= P. italica
Frêne élevéFraxinus excelsior
Aulne blanchâtreAlnus incana
Aulne glutineuxAlnus glutinosa
Bouleau blanc = b. pendantBetula pendula
erable sycomore = e. faux plataneacer pseudoplatanus
Orme de montagne = o. rudeUlmus glabra = u. scabra
Orme champêtre (vitalité réduite)Ulmus minor = u. campestris
Tilleul à grandes feuillesTilia platyphyllos
Pin sylvestrePinus sylvestris
Epicéa (planté ?)Picea abies
Erable planeAcer platanoideS
Chêne sessileQuercus petraea
Noyer royalJuglans regia
Cerisier = merisierPrunus avium(en fleur, merveilleux !)
Robinier faux acaciaRobinia pseudoacacia
strate arbustive : Très clairsemée (recouvrement : 20% env.)
Troène vulgaireLigustrum vulgare
Fusain d’Europe (Bonnet de prêtre)Euonymus europaeus
Chèvrefeuille à balaisLonicera xylosteum
NoisetierCorylus avellana
ObierViburnum opulus
Cornouiller sanguinCornus sanguinea
RonceRubus fruticosus
Aubépine à un styleCrataegus monogyna
Clématite des haiesClematis vitalba
Orme champêtreUlmus minor = U. campestris(nombreux à proximité du ruisseau)
IfTaxus baccata
Bois de Ste-LuciePrunus mahaleb (en fleur), lisière nord= Prunier Mahaleb
Mahonia à feuilles de houxMahonia aquifolium (en fleur)
Viorne lantaneViburnum lantana
RosierRosa sp.
Strate herbacée : Recouvrement faible, 10 à 20%, le lierre dominant par endroits sur le sol, mais pouvant monter le long des troncs d’arbres jusqu’à une quinzaine de mètres !
LierreHedera helix
Prêle des champsEquisetum arvense
Gouet tachetéArum maculatum
Brachypode des boisBrachypodium sylvaticum
Paturin communPoa trivialis
Canche gazonnanteDeschampsia caespitosa
Ortie dioïqueUrtica dioica
Erable (semis)Acer sp.
Carex lâche (= C. glauque)Carex flacca (= C. glauca)
Carex gracieuxCarex gracilis
Carex (Laiche) blancCarex alba
Anémone sylvieAnemone sylvestris
A. jaune = A. fausse renonculeAnemone ranunculoides
PervencheVinca minor
Paturin annuelPoa annua
Mélique penchéeMelica nutans
EupatoireEupatorium cannabinum
Fougère mâleDryopteris filix-mas
Céphalanthère rougeCephalanthera rubra
(30 ex. dont certaines à même le sentier… le 12.06.89)
Tilleul (semis)Tilia sp.

Remarque : « Pascal Stoebner, ing. forestier stagiaire, lors d’une analyse de la station en 1989, y a vu un début de mosaïque d’associations avec une Aulnaie à prêle (Equiseto-Alnetum incanae) tout au bord du lac, et, vers l’intérieur, une Frênaie à Orme (Ulmo-Fraxinetum) ». (Nicolas Bessire, nov. 2008).

Sol de la forêt des Larrus 

Forêt des Larrus

Mull forestier de type AC, composé pour l’horizon A de 30 cm de terre noire (accumulation de matière organique) abritant de nombreuses racines, à pH 7 (neutre), sans argile (on ne peut pas faire de « saucisses »). Présence de vers de terre. L’horizon OL-OF (horizon mixte de 3 cm en surface) contient de la litière en décomposition.

L’horizon C, minéral, est formé de sable lacustre mêlé à des restes de moraine, d’environ 12'000 ans d’âge (retrait du glacier du Rhône à la fin de la glaciation de Würm).

L’altitude de ce sol, 430 m, fait qu’à chaque montée du niveau des eaux du lac (429 m habituellement), lors des inondations, la terre de la forêt des Larrus est submergée. Et les inondations se font de plus en plus fréquentes, ces dernières années.

Formation

Elle est soumise à plusieurs influences : roche mère – algues – lichens – arbres du sol  – gel – pluie – neige - soleil – vent – herbes – humus – mousses…

(A ce sujet, on consultera avec un réel profit la publication « Le sol », fascicule de 40 pages destiné à tout débutant en pédologie élémentaire éditée par le CIP, de Tramelan. Plusieurs auteurs : Jean-Michel Gobat, Elena Havlicek, Jean-Luc Renck, Catherine Strehler-Perrin, Pascal Stucki, Gaëlle Vadi, et les dessins de Deyrmon ; coordination de Pierre Gigon – année 2001). Vous trouverez, dans cette publication, des références d’ouvrages plus sophistiqués.

Note

 

C’est en 1980 que nous avons eu l’idée de comparer différents sols de la région de La Neuveville, sans prétention aucune, sinon celle de montrer à nos élèves fréquentant les travaux pratiques de sciences naturelles que les sols ne sont pas tous les mêmes. Six endroits différents nous ont permis d’observer les sols de :

  1. Forêt riveraine des Larrus (altitude : 430 m) ; sol à horizons AC, 30 cm de profondeur ; pente nulle ; terre noire avec beaucoup de racines ; présence de vers de terre ; pas d’argile (on ne peut pas faire de « saucisses »).
  2. Sol de vigne sur marne jaunâtre (altitude : 460 m), à l’ouest du Collège du District ; sol à horizons ABC, 58 cm de profondeur ; pente de 5 degrés ;  terre brune argileuse relativement humide (on peut faire des « saucisses ») ; pas de racines, sinon celles de la vigne ; présence de galets calcaires et de vers de terre. Le fait de pouvoir rouler des « saucisses » est un bon indicateur de présence d’argile. L’horizon B, issu de l’accumulation de fer, a un aspect brun tirant sur le rouge.
  3. Sol de vigne sur molasse (altitude : 440 m), à proximité de l’ancien Motel ; sol à horizons ABC, 38 cm de profondeur ; pente de 10 degrés ; les racines de la vigne s’infiltrent jusque dans les fentes de la molasse (ce sont les travaux de la route Nationale 5 qui nous ont permis ces observations…)
  4. Chênaie buissonnante (altitude : 540 m), juste au-dessus des vignes ; sols à horizons ABC de 92 cm de profondeur ; pente 10 degrés ; terre rougeâtre argileuse (on peut faire des « saucisses »).
  5. Hêtraie à Carex (hêtraie chaude, juste au-dessus de la chênaie buissonnante) (altitude : 550 m) ; sol à horizons ABC, 50 cm de profondeur ; pente 40 degrés ; terre brune non argileuse (on ne peut pas confectionner de « saucisse »).
  6. Sol de l’isthme de l’île de St-Pierre (altitude : 430 m) avec, entre autres en particulier, un horizon blanc, la craie lacustre… de 2-3 cm d’épaisseur) ; pente nulle. A remarquer que nous sommes allés spécialement en cet endroit pour observer… la craie lacustre !
ForêtAncien mur de soutènement, très bien conservé, de la forêt des Larrus. La 1ère correction des eaux du Jura (1864-1890) aura éloigné ce mur d’une dizaine de m en certains endroits, d’une vingtaine dans d’autres, des eaux du lac de Bienne. La forêt des Larrus mérite un petit détour ! Photo E. Gr, 21.10.2010

Remarque finale (et c’était là l’objet de notre recherche)

La forêt des Larrus a produit 30 cm de terre noire en l’espace d’une centaine d’années, soit depuis la fin des travaux de la première Correction des eaux du Jura (1868-1890), en moyenne 3 mm par année…

Rappelons que ces travaux ont permis aux trois lacs de Morat (canal de La Broye), Neuchâtel (canal de La Thielle) et Bienne (canaux d’Hagneck et Nidau-Büren) d’abaisser leur niveau d’eau d’environ 2,70 m, afin d’assurer au Grand Marais des cultures sans inondations majeures.

Une visite ?

A pied : suivre le chemin goudronné, au sud des voies ferrées, menant de St-Joux (sortie est de La Neuveville) en direction de Bienne. La place de sport doublée, vous aurez accès directement à la forêt des Larrus (au sud de l’antenne de couleur verte).

En voiture : sous le viaduc, suivre le panneau blanc « St-Joux » et parquer son véhicule vers la buvette-restaurant « Le Nénuphar », à proximité de la place de sport (football et autres ; emplacement de détente).

Cette forêt est très agréable à parcourir, à admirer, et le bruit des vagues s’échouant sur le rivage ajoute encore à la beauté du site, sans oublier le chant des oiseaux. Il fait bon s’y promener… 

Remerciements

Un merci tout spécial aux personnes qui ont supervisé notre texte :
Jean-Michel Gobat, pédologue, Université de Neuchâtel
Nicolas Bessire, ing. forestier, La Neuveville
Raymond Haeberli, prof. de lettres, La Neuveville
François Marolf, horticulteur et photographe, La Neuveville

Eric Grossenbacher, La Neuveville, novembre 2008

Petite bibliographie :
  • La pédologie, par Georges Aubert et Jean Boulaine
    Coll. Que Sais-je ? Presses universitaires de France No 352
    1967, 128 pages
  • Le sol, par plusieurs auteurs voir ci-dessus : formation du sol)
    Editions du CIP, 2720 Tramelan, 2001, 40 pages
  • Le sol vivant, par Jean-Michel Gobat, Michel Aragno, Willy Matthey
    Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003, 520 pages
    Centre Midi – EPFL, 1015 Lausanne
    (1ère édition en 1998, 2e en 2003, 3e prévue en 2009)