Hêtraie pure ou Hêtraie typique
Tramelan : La Côte
par Eric Grossenbacher
Il y a hêtraie et hêtraie . . .
Si nous parcourons la chaîne jurassienne de bas en haut, selon un transect, le Hêtre va s’associer différemment selon l’altitude.
Si l’on s’en tient au versant sud (l’endroit) :
de 600 à 850 m d’altitude, étage submontagnard, nous aurons une hêtraie chaude appelée « Hêtraie à Laiche » (Carici-Fagetum) ;
de 850 à 1100 m, étage montagnard inférieur, c’est la « Hêtraie pure » (Fagetum sylvaticae) ;
de 1100 à 1300 m, étage montagnard moyen, le Hêtre s’associera à l’Epicéa (Picea abies) et au Sapin (Abies alba) pour former la « Hêtraie à Sapin » (Abieti-Fagetum) ;
de 1300 à 1500 m, étage montagnard supérieur, la « Hêtraie à Erable » (Aceri-Fagetum) s’installe ; c’est la plus haute hêtraie en altitude de la chaîne jurassienne.
A noter que, si l’on entreprend la même démarche, mais sur le flanc nord (l’envers), les limites altitudinales sont diminuées de 150 à 200 m, et ce, pour les mêmes types de forêts.
Classe :Querco-Fagetea (forêts feuillues mésophiles et hêtraies-sapinières des substrats riches)
Ordre :Fagetalia sylvaticae (forêts fraîches à feuilles caduques)
Alliance :Fagion sylvaticae (hêtraies et hêtraies-sapinières des sols calcimorphes, c’est- à-dire de sols dont la formation est liée à la présence abondante de calcaire)
Sous-alliance :Lonicero alpigenae-Fagenion (hêtraies de l’étage montagnard inférieur)
Association :Dentario heptaphylli-Fagetum (hêtraie typique) Moor 1952
(parmi d’autres associations...)
Sols de la hêtraie pure
Il s’agit d’un sol brun calcaire : « Sol moyennement évolué, fertile, formé sur des roches calcaires relativement riches en argiles et en fer. Hêtraies, hêtraies-sapinières, pâturages, prairies, cultures. Vallées et montagnes jurassiennes, moraines du Plateau Suisse, altitudes moyennes des Alpes calcaires. » - (Le sol, voir No 9 dans la bibliographie ci-dessous)
Des mesures de pH effectuées le mercredi 19 mai 2010, dans ce sol brun de notre hêtraie de La Côte, ont confirmé le chiffre 7, soit un pH neutre.
Suggestion de randonnée
Sentier de la Brigade
Prenez le funiculaire de St-Imier à Mont-Soleil (pt 1180)... A la station supérieure, il vous suffit de suivre scrupuleusement la route en direction ouest, puis sud-ouest sur 1,5 km, pour atteindre La Brigade (quelques maisons, pt 1174) et, immédiatement après les avoir doublées, laissez-vous descendre plein sud, en suivant le Sentier de La Brigade, cheminement de traverse très agréable, qui vous ramènera à la station de départ du funiculaire (pt 824), non sans avoir admiré une splendide hêtraie pure !
Des hêtres pas comme les autres
Le Hêtre commun (Fagus sylvatica) a donné naissance à de nombreuses variétés (une quarantaine !). Citons-en deux :
a) Hêtre pourpre (Fagus sylvatica var. atropurpurea)
C’est l’une des nombreuses variétés du Hêtre commun. Il possède des feuilles semblables au hêtre de nos forêts, quant à leur forme, mais sont d’un pourpre très foncé. Signalé dans la nature dès 1680 en Suisse dans le canton de Zurich, dès 1772 en Thuringe (Allemagne), et dans le sud du Tyrol en 1840. C’est l’un des plus beaux arbres du monde ! Très prisé comme arbre d’ornement, on le trouve un peu partout dans nos localités...
b) Hêtre lacinié (Fagus sylvatica var. laciniata)
Autre variété du Hêtre commun, cet arbre possède des feuilles étroites, à pointe allongée, à dents très ressorties ou avec des lobes profonds, mais parfois linéaires et presque entières, de temps en temps également normales. Déjà connu en Allemagne en 1795.
La première fois que l’on est confronté à cet arbre... eh bien, l’étonnement est total ! Nous devons à Gilbert Bocquet, alors directeur du Jardin botanique de Genève, à qui nous nous étions adressé en 1983, de connaître ce cultivar. Pour les personnes qui ne le connaissent pas, sachez que vous en trouverez de magnifiques exemplaires à Neuchâtel, comme arbres d’ornement, à deux pas à l’ouest du Casino de La Rotonde (Fbg du Lac 14). Là, les feuilles sont à portée de mains, et vous aurez tout loisir de les observer de près. Cet arbre, peu fréquent, passe inaperçu. Et, à dire vrai, peu de personnes le connaissent, même parmi les botanistes ! Vous ferez d’une pierre deux coups en allant à La Neuveville, rue des Collonges 10 (ancien Institut Choisy, 50 m à l’ouest de la COOP) : ces deux variétés, Hêtre pourpre et Hêtre lacinié, d’une bonne vingtaine de mètres de hauteur chacun, peuvent être observées de chaque côté de l’entrée nord de la propriété.
Espèce et variété
Il n’est pas inutile de rappeler quelques notions élémentaires de botanique : espèce d’une part, variété ou cultivar (cultivated variety) d’autre part.
A ce propos, il nous plaît de rappeler une visite au Jardin botanique de Genève en 1991, en compagnie de nos élèves (15 ans)... Nous leur avions demandé de citer, selon leurs goûts, les cinq arbres les plus spectaculaires observés. C’est le Hêtre pourpre, un cultivar, Fagus sylvatica var. atropurpurea, qui a obtenu le plus de suffrages !
Par curiosité nous sommes allé observer, de plus près, ce qui pouvait bien pousser au pied d’un Hêtre pourpre... Les semis, parmi une bonne centaine, étaient d’un beau vert, alors qu’un seul était pourpre ! Cette observation confirmait, si besoin était, les renseignements obtenus auprès d’horticulteurs de notre « petit coin de terre ». Idem sous un Hêtre lacinié !
Petite observation
Cueillez une feuille verte du Hêtre commun (Fagus sylvatica), cueillez une feuille pourpre du Hêtre pourpre (Fagus sylvatica var. atropurpurea) et regardez-les à contre-jour, à l’aide d’une loupe (grossissement 10x ou 15x)... Vous pourrez voir la chlorophylle d’un beau vert dans la feuille verte, et les pigments rouges d’anthocyane mélangés à de la chlorophylle dans la feuille du Hêtre pourpre. Très spectaculaire ! Et, si vous possédez une loupe binoculaire, l’observation avec éclairage par le bas n’en sera que plus belle...