A propos de l’Ivraie :

« Il faut séparer le bon grain de l’Ivraie… »

Par Eric Grossenbacher

Dans nos gazons, proches des maisons, sur les places de sport, ceux que l’on tond régulièrement, il y a une graminée dominante : l’Ivraie. Souvent en mélange avec des Fétuques.



NB:

Passez la souris sur les images :

C’est donc une herbe. Oui, mais il y a Ivraie et Ivraie ! En Suisse, en France aussi, nous avons 5 sortes d’Ivraies :

Lolium remotumIvraie à épillets espacés
Lolium temulentumIvraie enivrante
Lolium multiflorum Ivraie à fleurs nombreuses
Lolium perenneIvraie vivace (Ray-grass anglais)
Lolium rigidumIvraie raide



Phytosociologie :

A) Lolium temulentum : petite caractéristique de la Classe des Secalinetea (plantes rudérales des champs de céréales) ; les engrais sélectifs sont très certainement la cause de la rareté de cette espèce chez nous…

B) Lolium perenne : caractéristique de l’Association Lolio-Cynosuretum dans l’Alliance Cynosurion (pâturages de basse et moyenne altitude) ; espèce entrant dans la composition (pour 60%) des gazons artificiels des places de sport, en compagnie de Festuca rubra (20%) et Poa pratensis (20%), supportant les tontes régulières.



C’est l’Ivraie vivace (Ray-grass anglais) qui forme la base des gazons tondus autour des propriétés privées, voire des places de sport. Cette Ivraie est solide (penser à un terrain de foot, de rugby, de golf), bien accommodée à la tonte régulière. La pelouse de Wimbledon, à Londres, bien connue des joueuses et joueurs de tennis, est composée, depuis 2011, de 100% d’Ivraie vivace (Ray-Grass) tondue à la hauteur de 8 mm.

Mais l’Ivraie de la Bible, « il faut séparer le bon grain de l’Ivraie », laquelle est-ce ? Eh bien, c’est Lolium temulentum, l’Ivraie enivrante ! Cela fait 50 ans que je botanise… et je ne l’ai jamais trouvée. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir cherché, enquêté… J’ai questionné de nombreux botanistes : parmi mes connaissances en botanique, personne ne l’a vue en Suisse ! Pourtant, elle est annoncée, mais elle est rare chez nous. Cette espèce, méditerranéenne, où la trouver ?

C’est à Londres, à Hyde Park que je l’ai trouvée…

Le 18.09.1995, lors d’une escapade de quelques jours dans la capitale, ville dans laquelle j’avais promis à Marie-Thérèse, mon épouse, de ne pas faire de botanique (si vous botanisez, vous n’avancez pas, et vous ennuyez souverainement vos compagnons…). Mais ce matin-là, le naturel reprit le dessus : dans Hyde Park, une herbe de 30 cm de haut n’avait pas l’air « très catholique »… Elle ressemblait à un Lolium, oui, mais à un Lolium bizarre (bizarre par rapport à ceux que je connaissais déjà…). J’avais décidé de ne pas faire de botanique, pas question de s’arrêter ! Nous passâmes donc notre chemin. Cependant, 50 m plus loin, n’y tenant plus, je dis à Marie-Thérèse : « Attends-moi, je vais chercher cette herbe ! »

Evidemment, je n’avais pas d’herbier avec moi pour mettre cette plante sous presse. Qu’à cela ne tienne, je la découpai en plusieurs parties et mis le tout dans mon agenda de poche.

De retour en Suisse, la première chose que je fis c’est de vérifier ma trouvaille de Londres, grâce à un admirable petit livre consacré aux graminées, Grasses, guide consacré aux graminées des îles britanniques : c’était l’Ivraie de la Bible !

Mais alors, pourquoi ces paroles célèbres : « Il faut séparer le bon grain de l’Ivraie… » ? Les graines de toutes les Ivraies sont toxiques : celles de Lolium temulentum contiennent de la témuline, un narcotique dangereux…

Eric Grossenbacher, CP 441, 2520 La Neuveville, 04.10.05

eric_grossenbacher@bluewin.ch