En 1972 l'envie me reprit de suivre à nouveau les excursions de botanique de l'Université de Neuchâtel. Le professeur Jean-Louis Richard me montra pour la première fois la lathrée écailleuse (Lathrea squamaria) dans une combe du Doubs, à la Réchesse, à quatre kilomètres en aval de Soubey (JU). Depuis, j'ai localisé cette espèce au Tiergarten, entre Vicques et Vermes (JU) et (voir plus loin) sur la frontière Neuchâtel-Jura bernois, le long du ruisseau de Vaux, à la Neuveville.
La lathrée écailleuse est une plante sans chlorophylle, à tige florifère d'un blanc rosé, de 5 à 30 cm de hauteur, et à fleurs blanchâtres ou rosées, rapprochées en épi unilatéral. Elle vit en parasite sur les racines d'essences feuillues. Les botanistes l'ont classée dans la famille de Orobanchacées.
Ce fut le 14 avril 1980 que je trouvai ce groupement peu ordinaire de lathrées. Je me promenais à la Cascade de la Neuveville où le Ruisseau de Vaux se jette d’une hauteur de vingt mètres dans un bassin quand, soudain, j'en aperçus... 150, quel tableau ! Ce groupement était situé dans une petite pente en légère dépression orientée vers l'ouest. Cet emplacement bordé au sud par le Coronillo-Quercetum (Chênaie buissonnante), à l'ouest par le petit bassin formé par le Ruisseau de Vaux, à l'est et au nord par un bois où domine le frêne élevé Fraxinus excelsior. D'habitude, la lathrée écailleuse est peu fréquente et, vraiment, en trouver 150 sur une surface d'à peine deux mètres carrés peut étonner, à juste titre, plus d'un botaniste.
Voici le relevé de ce groupement :
lieu | Cascade de la Neuveville à 100 m environ en contrebas et au S-W du Château du Schlossberg | |
date | 14.4.1980 | |
aire | 2,25 m2 | |
exposition | ouest | |
altitude | 480 m | |
pente | 5 degrés |
Espèces végétales
buissons | Chèvrefeuille à balais Lonicera xylosteum | +(*) | ||
Framboisier Rubus idaeus | + | |||
strate herbacée | petite pervenche Vinca minor | 4.4 | ||
Lathrée écailleuse Lathraea squamaria | 3.4 | |||
Lierre Hedera helix | 1.2 | |||
lamier des montagnes Lamium montanum | + |
(*) ... les chiffres qui suivent le nom des espèces ont la valeur suivante d'après l’échelle de
J. Braun-Blanquet) :
Abondance-dominance (chiffre de gauche ou chiffre seul)
5 | l'espèce recouvre plus des 2/4 de la surface totale | |
4 | l'espèce recouvre de la moitié aux 3/4 de la surface totale | |
3 | l'espèce recouvre du quart à la mosophoraitié de la surface totale | |
2 | l'espèce recouvre du 1/20 au 1/4 de la surface totale | |
1 | nombreux mais moins de 1/20 de la surface totale | |
+ | peu | |
r | rare |
Sociabilité (chiffre de droite)
5 | peuplements plus ou moins denses | |
4 | ||
3 | groupements isolés | |
2 | touffes | |
1 | individus isolés |
Ainsi, à la Neuveville, la lathrée écailleuse recouvrait près de la moitié de la surface en formant un peuplement dense.
Cette petite chronique est parue dans le « Rameau de Sapin », bulletin du Club Jurassien de Neuchâtel, No 4, 1981
P.S. Une remarque importante s’impose : depuis cette date (14.04.1984), je n’ai plus revu une seule lathrée écailleuse en cet endroit ! (E.Gr, La Neuveville, 01.02.09)
Il y a quelques années, j'ai suivi pendant quelques jours la variante sud du chemin de St-Jacques en France, histoire d'observer la transition entre des paysages méditerannéens et atlantiques. Juste à la limite entre les yeuses et les épicéas, mon regard fut attiré par l'étrange chose que l'image de droite représente, comme un bouquet de monstrueuses corolles de pédiculaires, des corolles, sinon rien.
Perdu dans ma contemplation éberluée, je n'ai pas vu venir le pire orage de ma carrière de randonneur, le plus dangereux surtout: suivre une crête, sans pouvoir ni descendre ni m'abriter. Etre trempé était vraiment le moindre de mes soucis!
Mon étrange découverte me réservait d'autres peines: pendant une année j'ai cherché son nom jusqu'à ce que je tombe par hasard sur une planche de la grande Flore de Gaston Bonnier (figure ci-contre): La lathrée clandestine Lathraea clandestina, en voilà une qui n'a pas volé son nom !