en français : Epicéa commun, Sapin de Norvège, Sapin rouge ; à Tramelan, dans mon enfance, années 1940 et suivantes, on lui donnait le nom de « Sapin rouge », en raison de son tronc rougeâtre, et non Epicéa !), Pesse (d’où le nom de pessière pour une forêt d’Epicéas), Sérente, Pin pleureur, Sapin à poix, Faux sapin, Sapin du nord, Sapinette, Gentil sapin, Epinette de Norvège…
•
en allemand : Gemeine Fichte, Rottanne, Fichte, Rotfichte, Pechbaum
•
en italien : Abete rosso, Abete di Germania, Peccio, Picea, Zampino
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en anglais : Common Spruce, European Spruce, Norway Spruce, Christmas Tree
Il est intéressant de parcourir tous ces noms de langues différentes, ne serait-ce que par curiosité. A l’heure actuelle (2009), c’est Picea abies, nom scientifique, qui fait foi.
« Du latin Picea : nom donné à l’épicéa commun, mot dérivé de pix : poix (allusion au contact poisseux de différentes parties de l’arbre), et abies : ressemblance (!) avec les sapins.
Nota. Nomenclature regrettable, prêtant à confusion » - dixit Flore forestière française, 2001
Pessière sur gros blocsAsplenio-Piceetum
Pessière jurassienne
Relevé botanique : Annie Rossel, Tramelan
(dans le cadre du recyclage du Corps enseignant du Jura bernois)
Pessière sur gros blocs stabilisés, sur lapiaz
Date : 29.08.1982
Station : Chasseral, flanc sud, non loin du Vieux-Chalet
Coordonnées : 572'000 / 220’250
Aire : 150 m2
Pente : 30-40o
Altitude : 1'400 m
Exposition : sud
Sol : humus brut superficiel peu abondant sur lapiaz ; érosion karstique manifeste, profondeur des fissures jusqu’à un mètre !
Strate arborescente (recouvrement : 40-50%)
3
Picea abies
Epicéa
+
Sorbus aucuparia
Sorbier des oiseleurs
+
Fagus sylvatica
Hêtre
+
Acer pseudoplatanus
Erable faux platane (Erable de montagne)
Strate arbustive (recouvrement : 5-10%)
+
Picea abies
Epicéa
+
Sorbus aucuparia
Sorbier des oiseleurs
+
Sorbus aria
Allouchier
+
Fagus sylvatica
Hêtre
+
Rubus idaeus
Framboisier
+
Sambucus racemosa
Sureau à grappe
Strate herbacée (recouvrement : 75%)
3.4
Vaccinium myrtillus
Myrtille
+
Vaccinium vitis-idaea
Airelle rouge
2.3.
Asplenium viride
Asplénium vert (espèce différentielle, voir remarques)
1.2
Dryopteris filix-mas
Fougère mâle
1.2
Polystichum lonchitis
Polystic en lance
1.2
Athyrium filix-femina
Fougère femelle
1.2
Dryopteris dilatata
Dryoptéris dilaté
2.2.
Calamagrostis varia
Calamagrostide bigarrée
1.2
Melica nutans
Mélique penchée
1.2
Sesleria caerulea
Seslérie bleuâtre
2.3.
Luzula sylvatica
Luzule des bois
*
Adenostyles alliariae
Adénostyle à feuilles d’Alliaire (espèce différentielle)
1.2.
Melampyrum sylvaticum
Mélampyre des bois
1.1.
Solidago virgaurea
Solidage verge d’or
1.2.
Valeriana montana
Valériane des montagnes
1.3.
Hypericum montanum
Millepertuis des montagnes
2.3.
Campanula cochleariifolia
Campanule fluette
1.2
Cardamine heptaphylla
Dentaire à sept folioles
1.2
Knautia sylvatica
Knautie des bois
2.2
Galium pumilum
Gaillet nain
2.2
Chrysanthemum adustum
Marguerite brûlée
+
Fragaria vesca
Fraisier des bois
+
Polygonatum verticillatum
Sceau de Salomon verticillé
1.2
Hieracium murorum
Epervière des murs
1.2
Epilobium montanum
Epilobe des montagnes
+
Euphrasia rostkoviana
Euphraise de Rostkov
1.2
Viola sylvatica
Violette des bois
+
Geranium sylvaticum
Géranium des bois
+
Centaurea montana
Centaurée des montagnes
+
Gentiana lutea
Gentiane jaune
+
Carduus defloratus
Chardon décapité
+
Lamium galeobdolon
Lamier galéobdolon
+
Sedum album
Orpin blanc
+
Thesium alpinum
Thésium des Alpes
1.2
Oxalis acetosella
Oxalis petite oseille
Strate des mousses et lichens (recouvrement : 70-80%)
Plusieurs espèces formant manchon sur la roche…
Il y aurait lieu de citer : Hylocomie brillante (Hylocomium splendens), Polytric élégant (Polytrichum formosum), Dicrane en balai (Dicranum scoparium), Hypne cyprès (Hypnum cupressiforme), etc. (d’après Stations forestières…, ouvrage No 9 ci-après).
Une mousse : Hylocomium splendens
Hylocomium splendens (Hedw.) B., S. & G. = (Hypnum splendens Hedw.)
Hylocomie brillante = (Hypne brillante)
du grec oikein : habiter, et hulê : forêt ;
du latin splendens : qui brille
Mousse formant de grands coussinets « en marches d’escaliers » (étages feuillés successifs) dans des forêts acides. Tiges principales rouges, robustes, non totalement masquées par les feuilles et paraphylles (filaments chlorophylliens souvent ramifiés et entrelacés à d’autres, disposés sur la tige, entre les feuilles). - Flore forestière française, ouvrage No 8 ci-après.
Indicatrice :
•
d’humidité moyenne, d’acidité (pH 3,5-5,5), de sols maigres
•
nette d’ombre
•
d’humus : optimum sur mull acide (forme d’humus caractérisé par une discontinuité brutale entre la litière d’épaisseur réduite et les horizons minéraux sous-jacents) ou moder (forme d’humus caractérisé par une litière moyennement épaisse)
Quelques remarques
Cette forêt naturelle d’Epicéas campe sur la roche calcaire, dans des stations froides de l’étage montagnard, sur des éboulis stabilisés recouverts d’humus brut. On peut s’étonner de trouver de nombreuses espèces acidiphiles : les myrtilles, les airelles rouges, les luzules des bois, les mélampyres des bois, espèces qui, normalement, ne poussent pas sur le calcaire. Cela s’explique par le fait qu’il se forme un manchon de mousses isolant ces espèces de l’apport calcaire sous-jacent… la seule eau à leur disposition provient de la pluie décarbonatée.
Les phytosociologues ont choisi deux espèces pour désigner cette forêt sur gros blocs calcaires. L’Epicéa (Pesse) s’imposait d’office pour ce type de forêt, d’où le nom de pessière. C’est une petite fougère, la plus minuscule des cinq citées dans notre liste, l’Asplénium vert, qui a été retenue, d’où le nom de pessière à Asplénie ou Asplenio-Piceetum comme nom scientifique. Dans notre liste de plantes (un individu d’association), l’Asplénium vert et l’Adénostyle à feuilles d’Alliaire sont deux espèces différentielles, c'est-à-dire que, sans être des espèces caractéristiques de cette association, elles sont présentes ici alors qu’elles ne s’y trouvent pas dans la pessière sur tourbe. Car il y a pessière et pessière ; il en existe encore une autre sorte dans la chaîne jurassienne : la pessière sur tourbe Bazzanio-Piceetum (ou Sphagno-Piceetum) ! Il fallait bien leur donner des noms différents, à ces deux types de forêts, pour éviter toute confusion… car l’Epicéa y est roi, et dans l’une, et dans l’autre !
Et si nous allons dans le massif alpin, comment ne pas reconnaître, même sans être un fin phytosociologue, la pessière subalpine Piceetum subalpinum, là où les Epicéas et les « ski lifts » sont rois ?
« Avec ses longues barbes grises des lichens qui donnent aux branches des Epicéas un air de vétusté, on conviendra que la pessière n’est pas une forêt joyeuse. Elle a son charme pourtant, charme fait d’intimité, de calme et de mélancolie. Charme de ses mousses, de son sol brun et souple formé d’aiguilles enchevêtrées, de ses fougères et de ses tapis de
myrtilles ». – Claude Favarger dixit.
Eric Grossenbacher, La Neuveville, nov. 09
Remerciements
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A titre posthume :
Charles Krähenbühl, St-Imier ; Max Moor, Bâle, Jean-Louis Richard, Uni Neuchâtel
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Annie Rossel, Tramelan
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Etienne Chavanne, Moutier
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François Gillet, Montagne de Cernier (La Vue-des-Alpes)