Le Sophora du Japon, Sophora japonica L.
par Eric Grossenbacher

Feuille de Sophora japonica Le Grand Larousse encyclopédique en dix volumes (1964) est manifestement incomplet... et le Rameau de Sapin devrait lui apporter sa modeste contribution. Chacun connaît le Robinier faux acacia Robinia pseudoacacia ; mais qu'en est-il du Sophora du Japon ?

Depuis 1974, j'ai regardé d'un oeil distrait les arbres plantés le long du Quai Moeckli au débarcadère de La Neuveville, persuadé que j'avais affaire à des Robiniers, jusqu'à ce 3 septembre 1979 où j'eus un véritable choc! Ils étaient en fleurs, ces vingt-trois arbres alignés entre le débarcadère et l'Hôtel J.-J. Rousseau, mais ce n'étaient pas les fleurs blanches en grappes pendantes caractérisant les Robiniers. Non, les fleurs, d'un blanc jaunâtre, formaient une large panicule ramifiée et dressée, longue d'une vingtaine de centimètres : une légumineuse à coup sûr... Laquelle ?

Pour l'analyse, inutile de prendre le "Binz et Thommen", la plante n'y figure pas. En revanche, en consultant "Les Quatre Flores de France", de P. Fournier, vous arriverez à Sophora japonica (de l’arabe sôfêra, nom d'une plante à fleurs jaunes ; d’asfar, jaune : d'où safran). Les feuilles, d'un vert vif, rappellent de très près celles du Robinier, cependant les folioles sont un peu P. Crété, dans son "Précis de botanique", tome II (Systématique des Angiospermes, aux éditions Masson, 1965), spécifie que les boutons floraux du Sophora japonica sont riches en rutoside, dérivé glucosidique à propriétés vitaminiques (vitamine P). Consultons le « petit Robert » : le rutoside agit comme protecteur des parois vasculaires ; il est prescrit en association avec la vitamine C dans la prévention Feuille de Sophora japonicades états hémorragiques. Quant aux graines, elles sont ocytociques et purgatives, toujours selon P. Crété. Ocytocique, du grec ôkutokos "qui procure un accouchement (tokos) rapide (ôkus). "L'ocytocine est une hormone élaborée par le lobe postérieur de l'hypophyse qui provoque la contraction de l'utérus au cours de l'accouchement", nous dit encore le « petit Robert ».

Le Larousse encyclopédique en dix volumes nous apprend que le Sophora du Japon est un grand arbre, cultivé auprès des pagodes du Japon, et introduit en France en 1747, au moyen de graines envoyées à Jussieu par le P. d'Incarville. La cime est arrondie. Les fleurs apparaissent tardivement en été et les gousses ne mûrissent qu'en année chaude et contiennent 3-5 graines séparées par des étranglements. Une plantation de Sophora entoure la place de l'Etoile à Paris. D'autres existent dans diverses avenues de la capitale et, dans toute la France, dans les jardins. Le Larousse Encyclopédique ne parle pas de La Neuveville...

Feuille de Sophora japonica Réparons cette omission, voulez-vous ? Il existe à La Neuveville, au bord du lac de Bienne, une plantation de vingt-trois Sophoras du Japon alignés le long du débarcadère. C'est dans les années 30, au vingtième siècle, que MM. Georges Hirt, alors maire de la commune, et Emile Bay, jardinier, introduisirent le Sophora du Japon. Actuellement* c'est M. Walter Schwab, jardinier de la ville qui taille les Sophoras :
- Chaque année, m'a-t-il dit, car son bois est cassant... Et j'ai déconseillé cet arbre au responsable des plantations en bordure des autoroutes !

Note du rédacteur du Rameau de Sapin (Adolphe Ischer) : « Nous avons demandé à notre collaborateur Jean Duvanel qui, infatigable, se partage entre la dendrologie et la toponymie, ce qu'il en était des Sophoras dans le canton de Neuchâtel. Il en connaît un (forme pendula) dans le parc de Préfargier, plusieurs sont typiques ou de forme pendula dans le jardin public du Mail à Neuchâtel et enfin un exemplaire remarquable (circonférence : 2.28m en 1972) dans le village de Saint-Aubain, près de l'ancienne école secondaire. »

* en 1980 / Chronique parue dans le « Rameau de sapin », bulletin du Club Jurassien de Neuchâtel, No 2 de 1980