Frênaie à Tulipes sauvages

Par Eric Grossenbacher

C'est Janine Kadiry, de Diesse, qui, à fin avril 2002, nous a rendu attentif à la présence d'une magnifique station de Tulipes sauvages Tulipa sylvestris ssp. sylvestris, située au sud-ouest de son village. L'endroit, un petit bois de frênes situé entre Le Marais et les Brues à 815 m d'altitude, avoisine un pâturage. Si la station est clôturée sur ses flancs sud, est et nord, elle ne l'est pas à l'ouest, si bien que le bétail y a accès. Ce petit détail est très important et nous en reparlerons plus loin. Un petit relevé s'impose, car « dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es... ».

Bois de Frênes
Date : 09.05.2009
Aire : 400 m2
Altitude : 815 m
Pente : très légère, 1 à 2%, en direction sud
Sol : gras, argileux
Tulipe

Arbres Tulipe
Recouvrement : 75%
Hauteur : jusqu'à 20 m
Frêne élevé Fraxinus excelsior (début mai, ils commencent à débourrer)
Arbustes (déjà en feuilles)
Recouvrement : 10-15%
Hauteur : 5-7 m

Erable champêtre Acer campestre
Aubépine épineuse Crataegus laevigata
Aubépine à un styleCrataegus monogyna
 
Strate herbacée (véritable tapis!)
Recouvrement : 100%
Tulipe sauvageTulipa sylvestris(feuillage au sol important : 10% de recouvrement ; une vingtaine de fleurs dont certaines à tiges cassées aux 2/3 de leur hauteur : le vent en est la cause)
Renoncule ficaire Ranunculus ficaria (80% de recouvrement !)
Renoncule tête d'orRanunculus auricomus
Anémone des bois (Sylvie)Anemone nemorosa
Muscatelle / Herbe musquée Adoxa moschatellina
Mercuriale vivace Mercurialis perennis
Corydale des haies Corydalis cava
Sceau de Salomon multiflore Polygonatum multiflorumTulipe
Colchique d'automne Colchicum autumnale (en feuille)
Jonquille Narcissus pseudonarcissus
Crocus du printemps Crocus albiflorus (en feuille)
Parisette à quatre feuilles Paris quadrifolia
Pissenlit officinal Taraxacum officinale
Lamier pourpre Lamium purpureum
Véronique des bois Veronica hederifolia ssp. lucorum
Primevère élevée Primula elatior
Stellaire moyenne Stellaria media
Renouée bistorte Polygonum bistorta
Ortie dioïque Urtica dioica
Herbe aux goutteux Aegopodium podagraria
Gaillet gratteron Galium aparine
Rumex à feuilles obtusesRumex obtusifolius
Ail cultivé Allium oleraceum
Violette de Rivinus1 Viola riviniana

1 A.- Q. Bachmann, latinisé en Rivinus, 1652-1723, prof. de botanique de Leipzig

Détail important : le piétinement

La Tulipe sauvage est rare en Suisse, très rare en pays de Neuchâtel et dans le Jura bernois. Elle a été observée en Ajoie par Jean-François Christians en 2008. Elle pousse surtout à l'étage collinéen (étage des vignes) dans des sols à humidité moyenne mais, comme ici sur le Plateau de Diesse, elle peut monter en altitude là où les conditions lui sont favorables. Sur le Plateau de Diesse, la station est ouverte au bétail disions-nous plus haut. Au moment où la Tulipe sauvage est en fleur et en passe de faire ses graines, les vaches commencent à brouter dans le pâturage et ont libre parcours à la station des tulipes, station cul-de-sac à l'est du parcours. Pierre-André Kuenzi, de Bôle, a même photographié la plante avec une vache le regardant par-dessus l'épaule !

Dès 2002, date à laquelle Janine Kadiry a découvert cette station, nous nous sommes posés la question :  « Faut-il la protéger en mettant également une barrière sur son côté ouest ?  ». Chose étonnante, malgré le libre parcours du bétail, nous n'avons pas constaté une diminution de la Tulipe sauvage, bien au contraire. Le piétinement du bétail semble favoriser l'expansion de la plante, leur bulbe produisant des caïeux (bourgeons qui se développent à partir du bulbe principal), caïeux qui multiplient la plante. Nos visites régulières à Diesse, chaque année, nous tranquillisent quant à la présence ou non des tulipes. Les bulbes triturés propagent la plante végétativement.

Tulipe « Une observation comparable a été faite à propos de la Saxifrage bouc (Saxifraga hirculus) aux Amburnex (Sèche de Gimel), 1325 m, proche du col du Marchairuz, dans le Jura vaudois. On a longtemps hésité à interdire complètement le pacage dans la zone, jusqu'à ce que l'on se rende compte que le bétail, en  « ouvrant  » la végétation (trous de sabots) favorisait la venue de l'espèce qui s'installe volontiers sur les bords des trous, selon Pascal Vittoz et Jean-Michel Gobat (Bull. du Cercle vaudois No 35, année 2006)  » - dixit Jean-Louis Moret.

La Tulipe sauvage

Les photos illustrant notre article en disent plus long que nos descriptions. Comme le prétendent les Chinois,  « il vaut mieux voir les choses une fois que d'en entendre parler mille fois!  »  Michel Juillard, de Miécourt, ou encore Yvette Widmeier, du Landeron, ont su croquer cette plante en pleine maturité. Cette espèce de la famille des Liliacées, originaire de l'Europe méridionale, peut atteindre 20 à 50 cm de haut. Les vents qui ont sévi sur le Plateau de Diesse peu de jours avant notre visite du 9 mai 2009 ont laissé des traces. Plusieurs tiges étaient cassées aux 2/3 de leur longueur, laissant l'inflorescence pendre tristement en direction du sol. Le feuillage glauque (vert légèrement bleuté), de notre plante, contraste avec le vert de la Renoncule Ficaire et des autres plantes du tapis végétal.

La Tulipe sauvage est une indicatrice...
 • de sécheresse modérée, mais le sol peut être considérablement plus humide après les précipitations et plus sec après les périodes sèches ;
 • d'alcalinité (pH pouvant atteindre la cote 8) ;
 • de sols modérément pauvres ou riches en matières nutritives ;
 • de lumière ;
 •  à répartition principale dans les régions à climat subocéanique, ne supportant ni les gels tardifs ni les températures trop extrêmes.
Mais, chers lecteurs, admirez la galerie de photos !

E.Gr, La Neuveville, décembre 2009

Remerciements :

Janine Kadiry, de Diesse ; Yvette Widmeier, du Landeron ; Claude Fankhauser, de Porrentruy ; Michel Juillard, de Miécourt ; Jean-Louis Moret, de Lausanne